Il n’est pas rare pour une personne adoptée de vivre des difficultés relationnelles et d’attachement. Les ruptures et discontinuités vécues à l’enfance (soit la séparation vécue avec leur mère biologique, les placements répétés dans des familles d’accueil ou la perte de repères causée par l’adoption internationale) peuvent avoir des effets néfastes sur les expériences relationnelles subséquentes (Ouellette, 2008). La personne adoptée, tout comme une personne ayant vécu un trauma complexe, peut développer un type d’attachement insécurisant, soit en gardant ses distances (style évitant) ou en recherchant la présence constante de l’autre (style ambivalent).
L’objectif de cet article est de comprendre comment les problèmes relationnels et d’attachement occasionnés par le trauma complexe peuvent s’apparenter à ceux causés par l’adoption.
Comment est-ce que le modèle d’attachement adopté par un enfant est affecté par un trauma complexe ?
Lorsqu’un événement traumatique se produit, la capacité d’un enfant à développer un type d’attachement sécurisant est compromise (Godbout, Milot et Collin-Vézina, 2019). Il est plus enclin à développer un style insécurisant (i.e. ambivalent, évitant ou désorganisé). L’enfant risque d’internaliser une perception de soi et de l’autre négative et de normaliser la dynamique ambigüe (un parent qui produit des comportements pouvant être à la fois une source de peur et de réconfort).
Il est fréquent qu’à l’âge adulte la personne ayant vécu un trauma complexe reproduise ces patrons dans ses relations amoureuses ou d’amitié. Par exemple, une personne ayant vécu de la violence psychologique à l'enfance serait attirée par un.e partenaire qui ne tiendrait pas compte de ses besoins affectifs, ce qui pourrait aller au dénigrement et aux insultes. Cette tendance est aussi observée chez certaines personnes adoptées dans le choix d’ami.e et de partenaire amoureux qui entretient une relation instable et insécurisante avec elle en la quittant à répétition (reproduisant l’abandon vécu).
Comment ce modèle suit-il ou diffère-t-il en contexte d’adoption ?
En contexte d’adoption, la personne adoptée peut aussi développer un type d’attachement insécurisant puisque sa sécurité a été chamboulée par la séparation vécue en bas âge, notamment la séparation avec sa mère biologique. Il est possible que cette séparation puisse engendrer un sentiment de vulnérabilité et d’insécurité face à son environnement et la personne adoptée peut percevoir les gens comme une source de danger. Dès son jeune âge, elle risque d’adopter une attitude distante avec les gens, incluant ses parents adoptifs. Elle les rejette avant qu’ils ne puissent le faire, ce qui blesse ou confond ses parents. De l’autre versant, elle souhaite ardemment la présence constante de ses parents.
Que se passe-t-il à l’âge adulte ?
Si les difficultés d’attachement ne sont pas identifiées ou remédiées à l’enfance, l’insécurité perdure à l’âge adulte, que ce soit en contexte de trauma complexe ou d’adoption. L’enfant ambivalent, évitant ou désorganisé deviendra un adulte détaché (indépendant au niveau affectif), préoccupé (insécure au niveau affectif) ou non résolu (craintif au niveau affectif) (Daigle, 2020). Il est important de comprendre que le style d’attachement peut changer avec le temps et des expériences diversifiées. Il est donc possible d’avoir été un enfant évitant et d’être un adulte préoccupé ou d’être un enfant ambivalent qui est aujourd’hui un adulte autonome (type d’attachement sécurisant). Ce changement est possible lorsque la personne développe une relation sécurisante avec une autre personne de confiance (p. ex. ami, frère, soeur, parent, conjoint.e, thérapeute).
Conclusion
Le trauma complexe et l’adoption peuvent causer des difficultés relationnelles et d’attachement à l’enfance et qui perdurent à l’âge adulte. La souffrance vécue lors de la séparation avec les figures significatives en bas âge (p.ex.: la mère biologique) engendre généralement une dualité chez certaines personnes adoptées. D’une part, elle souhaite être proche, être sécurisée, être connectée aux autres. D’autre part, elle évite systématiquement des relations intimes afin d’éviter des échecs relationnels, de deuil et la perte. Le passage d’un attachement insécurisant à sécurisant est possible, mais difficile. Il requiert beaucoup de travail sur soi et dans certains cas, l’aide externe d’un.e thérapeute spécialisé.e.
Références