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La charge mentale : la comprendre pour mieux l'adresser

La charge mentale : la comprendre pour mieux l'adresser

Le mois de septembre est un moment chargé pour la majorité des parents qui accompagnent leurs enfants vers le retour à l’école. En effet, le temps de la rentrée est un moment de transition important dans la vie familiale au cours duquel les parents ont à porter une charge plus importante, tant au niveau cognitif (planifier, prévoir, considérer les options, prendre des décisions) qu’au niveau émotionnel (aider les enfants à réguler leurs émotions en plus des leurs, porter le sentiment d’être responsable du bien-être des enfants) (Dean et al., 2022). 

Dans cet article, on tente de mieux comprendre la charge mentale, de considérer les aspects socio-culturels impliqués dans ce phénomène et de proposer des stratégies contribuant à diminuer la surcharge mentale.

Comprendre la charge mentale 

Afin de mieux comprendre la charge mentale, on peut la décortiquer en trois volets : 

D’abord, elle résulte d’un travail invisible, souvent intangible, et de préoccupations internes que porte un individu. En ce sens, c’est un travail qui nécessite une charge cognitive importante (penser, planifier, décider, considérer, organiser, gérer), laquelle est accompagnée d’une charge émotionnelle (prendre soin, avoir le bien des enfants à cœur) (Dean et al., 2022 ; Delaney et al., 2023).

Exemple : Assia va inscrire ses jumeaux à la prochaine journée pédagogique. Elle a d'abord réfléchi aux autres options, vérifié son horaire pour tenter de déplacer des réunions, réalisé qu’il lui sera impossible de prendre congé, décidé d’inscrire ses garçons à la journée pédagogique, pris connaissance du courriel envoyé par l’école à cet effet, rempli le formulaire et payé les frais associés. Elle a ensuite considéré que son conjoint serait à l’extérieur de la ville avec la voiture durant cette période de temps, ce qui fait en sorte qu’elle a dû trouver une manière de conduire les enfants à l’école, considérant qu’il n’y a pas de service d’autobus lors des journées pédagogiques. Elle a géré le souci lié au transport des jumeaux en planifiant le covoiturage avec un autre parent. 

On considère également que la charge mentale n’a pas de frontières distinctes. Elle n’est donc pas assujettie à des contraintes de temps (bien que certains moments de l’année puissent accentuer ou diminuer la charge mentale), à un espace ou d’endroit (il n’y a pas moins de charge mentale parce que le seuil d’un tel lieu est franchi). Ainsi, prendre soin d’un enfant est une charge qui n’a pas de fin puisque les soins sont continuellement à considérer. Cette notion de durabilité des exigences cognitives et émotives est le troisième aspect important de la charge mentale.  

Exemple : Marie-Josée a passé les dernières nuits à s’inquiéter pour sa fille transgenre qui débutera le secondaire dans quelques jours. Elle repense à toutes les fois où elle a dû intervenir auprès de l’école primaire lorsqu’Elie (Elizabeth) a vécu de l’intimidation par les pairs. Elle a beau montrer du soutien constant envers son enfant, l’accompagner dans sa démarche d’affirmation de genre, fournir des outils de sensibilisation aux personnel de l’école, offrir des ateliers de sensibilisation à sa classe, elle ne peut faire autrement que d’envisager que le secondaire sera une épreuve importante pour Elie qui subira, inévitable, un regard parfois méprisant d’autrui. 

Bref, la charge mentale est invisible, ne connaît pas de frontières en plus de ne pas octroyer de moments de pause. L’amalgame de ces trois critères contribue à la surcharge et à l’épuisement des personnes qui la portent (Dean et al., 2022). Comme le démontre la recherche, ces personnes sont majoritairement des femmes, ce qui amène à soulever la dimension socioculturelle liée au genre de la charge mentale. 

La charge mentale … un phénomène de disparité de genre ? 

En raison de la nature invisible de la charge mentale, il est plutôt difficile de mesurer tous ses paramètres. Toutefois, Daminger (2020) se joint à d’autres auteurs.trices pour dénoncer le caractère genré de la charge cognitive et émotionnelle liée à la gestion d’une maisonnée et des soins apportés aux enfants. Dans les couples hétérosexuels, il est plus fréquent que la femme prennne la majeure partie de la charge mentale de manière implicite (sans consensus volontaire entre les partenaires) et que le conjoint soit perçu comme étant une personne de soutien à qui déléguer certaines tâches (2020). Cela est largement dû à des composantes socioculturelles. 

Bien que nous cherchions à tendre vers l’égalité pour inciter l’ensemble du spectre de genre à s’impliquer au niveau de la charge mentale, il demeure que les femmes sentent souvent la pression, telle une forme d’obligation intériorisée, à être accommodantes, empathiques, à prendre soin des autres et à négliger leurs propres besoins aux dépens de travail non rémunéré, comme en apportant des soins à la famille (Dean et al., 2022).

Toutefois, certaines dynamiques de pouvoir peuvent être à l'œuvre lorsque la charge mentale n’est pas répartie de manière juste, égalitaire et dans la considération des besoins et aspirations des parties impliquées. En outres, plusieurs auteurs.trices s’attardant à l’étude des genres dénoncent la croyance selon laquelle la femme devrait être celle à porter la plus grande partie de la charge mentale, car cela s’inscrit dans un cadre patriarchal et capitaliste qui limite les opportunités disponibles auprès des femmes (Dean et al., 2022). 

O’Brien (2007) rapporte également en quoi la disparité de genre impliquée dans la répartition de la charge mentale peut avoir des effets néfastes sur les femmes marginalisées, ayant moins de ressources financières ou de soutien social.

Malheureusement, ce paradigme semble également présent au sein des institutions sociales qui nous entourent, lesquelles contribuent malgré elles à renchérir la pression de la charge mentale chez les femmes. Par exemple, la chercheuse Krysty et ses collaboratrices (2024) soulignent que les demandes provenant des écoles, groupes parascolaires, membres de la famille élargie et professionnels de la santé tendent à être davantage adressées aux femmes. 

Exemples : Le cabinet de dentiste fait un rappel pour les rendez-vous annuels des enfants. Ils contactent la mère. L’école communique avec la figure maternelle pour rapporter un incident survenu en classe. 

Ces gestes qui, au premier regard peuvent sembler anodins, contribuent à augmenter la surcharge mentale chez les femmes en plus de limiter l’implication parentale de l’autre partenaire, lequel se voit moins exposé aux différents aspects de la vie de l’enfant. Ainsi, le biais selon lequel les mères sont considérées comme le premier contact pénalise l’ensemble de la constellation parentale. 

Ce qu’on observe en clinique 

Dans nos rencontres avec la clientèle, il arrive que nous puissions faire des liens entre la charge mentale déraisonnable d’un.e client.e et ses symptômes. Les parents ayant des enfants neurodivergents, en situation de handicap ou avec tout type de besoin plus pointu sont d’autant plus à risque de souffrir des effets indésirables d’une charge mentale excessive, de même que les parents nouveaux arrivants, vivant seuls ou ayant peu de soutien social (Obrien, 2007 ; Cacioppo et al., 2021 ; Koren et al., 2016 ; Bradford, 2023). 

À la clinique Allegria, nous observons aussi en quoi les insatisfactions liées à la distribution de la charge mentale peuvent donner lieu à des enjeux de couple, ce qui mène parfois à des demandes de consultation en coaching parental ou en psychothérapie conjugale. 

Quelques stratégies pour diminuer la surcharge mentale : 

Outre le soutien professionnel, certaines stratégies peuvent contribuer à alléger la surcharge mentale, notamment : 

  • Rendre visible la charge mentale invisible, par exemple, en faisant des listes et en répartissant les items ; 
  • Avoir des moments exempts de charge mentale (loisirs, activité plaisante) et un plan mis en place pour que ceux-ci soient ininterrompus ; 
  • Amener les aspects de la charge mentale à la conscience afin de comprendre l’amplitude de celle-ci pour en discuter avec son.a partenaire ou une personne de soutien ; 
  • Établir les disponibilités claires des parents/tuteurs et les communiquer aux personnes, professionnel-le-s et établissements qui offrent des services aux enfants.
  • Avoir recours à de l’aide externe pour limiter la charge mentale (entourage, organismes communautaires, services de répit, soutien à domicile, etc.) 
  • Pratiquer l’auto-compassion.

Bref, le plus important est de considérer les fausses-obligations implicites qui s’installent dans les dynamiques parentales et/ou de genres et d’ouvrir des dialogues nous permettant de faire autrement, comme, en choisissant de répartir la charge mentale de manière claire et juste. 

Bibliographie et ressources consultées 

1. Bradford, L. (2023). Stress Overload in Parents of Children With Autism Spectrum Disorder. ProQuest Dissertations & Theses.

2. Cacioppo, M., Bouvier, S., Bailly, R., Houx, L., Lempereur, M., Mensah-Gourmel, J., Kandalaft, C., Varengue, R., Chatelin, A., Vagnoni, J., Vuillerot, C., Gautheron, V., Dinomais, M., Dheilly, E., Brochard, S., & Pons, C. (2021). Emerging health challenges for children with physical disabilities and their parents during the COVID-19 pandemic: The ECHO French survey. Annals of Physical and Rehabilitation Medicine, 64(3), 101429–101429. https://doi.org/10.1016/j.rehab.2020.08.001

3. Daminger, A. (2019). The cognitive dimension of household labor. American Sociological Review, 84(4), 609–633. https://doi.org/10.1177/0003122419859007

4. Dean, L., Churchill, B., & Ruppanner, L. (2022). The mental load: building a deeper theoretical understanding of how cognitive and emotional labor overload women and mothers. Community, Work & Family, 25(1), 13–29. https://doi.org/10.1080/13668803.2021.2002813

5. Delaney, C., Bobek, A., & Clavero, S. (2023). “It was too much for me”: mental load, mothers, and working from home during the COVID-19 pandemic. Frontiers in Psychology, 14, 1208099–1208099. https://doi.org/10.3389/fpsyg.2023.1208099

6. Koren’, E. V., Kupriyanova, T. A., Drobinskaya, A. O., & Khairetdinov, O. Z. (2016). Effects of Mental Disorders in Children on Parents in the Context of Differentiated Approaches to Psychosocial Interventions in Pediatric Psychiatry. Neuroscience and Behavioral Physiology, 46(4), 394–399. https://doi.org/10.1007/s11055-016-0248-3

7. O’Brien M. (2007). Mothers emotional care work in education and its moral imperative. Gend. Educ.19, 159–177. https://doi.org/10.1080/09540250601165938

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